On traite souvent les couturiers « d’artistes », quand bien même leurs réalisations sont somptueuses, ils ne sont pas, du moins à la base, des artistes, mais des artisans. La fonction d’une robe à sa sortie d’atelier ou d’usine est utilitaire, sa finalité être vendue, portée et non être vue dans un musée contrairement à une œuvre d’artiste, c’est là une différence fondamentale… La couture est donc une industrie artistique…
Pourtant la tentation est bien grande au regard de certaines réalisations de couturiers de les hisser au rang d’artistes, non pas qu’ils accèdent à un statut plus élevé (il n’y a pas de hiérarchie de valeur), mais plutôt par le plaisir visuel procuré par leur réalisations.
De même, le processus de travail d’un couturier induit au départ de prendre en compte de façon répétitive (saison après saison) des critères commerciaux, d’aisance et esthétiques afin de produire des vêtements de prêt-à-porter là où l’artiste crée un objet unique à des fins esthétiques mais non dénué de sens. Cela n’empêche pas le couturier d’être artiste « par éclair », comme le dit le philosophe Alain, modifiant sa création au fur et à mesure de sa réalisation, selon sa sensibilité afin de l’adapter ou de la rendre plus conforme aux objectifs fixés.
La frontière est tenue entre ces deux mondes, il suffit d’observer par exemple les sérigraphies d’Andy Warhol, œuvres d’art réalisées selon un processus industriel et destinés à la vente ou plus près de nous certaines réalisations d’Hussein Chalayan, où il semble privilégier le sens et l’esthétique avant la portabilité et la vente.La tentation est si grande que ces deux univers ont historiquement, rapidement et souvent collaboré, sans conflits. Gabrielle Chanel et Jean Cocteau, Yves Saint Laurent et ses robes Mondrian ou encore Elsa Shiaparelli et Salvador Dali, créant ainsi ce « crossover », cette transversalité auquel je crois beaucoup.
Dans cet esprit, le magazine Another Magazine à organisé une manifestation baptisée Dress Art, où à travers quinze collaborations, artistes et créateurs de mode se rencontrent afin de réaliser un « vêtement ». La plupart des binômes créés existaient déjà , l’un connaissant le travail de l’autre ou ayant déjà « œuvré » avec lui.

C’est en créant des « objets de mode » plus qu’en organisant un défilé, que les designers (stylistes) atteignent les espaces de création sans contrainte comme les artistes. Ci-dessous une robe réalisée par la Maison Martin Margiela et Gotscho (site), les contraintes de portabilité sont abolies, la robe maintenue au sol grâce aux escarpins ne possède pas de pinces, elle a été moulé directement au fer « à chaud ».

Ricardo Tisci explique que « collaborer avec un artiste permet à certains designers d’être plus abstraits et profonds (obscure) qu’ils ne peuvent l’être pour leur travail commercial » tout en conservant, pour lui en tout cas, une lien avec son travail chez Givenchy . Ci-dessous assemblage de pneus, pour un manteau improbable…

Suite à un séjour en Egypte et la lecture d’un article sur l’islamisation du vêtement, l’artiste Ghada Amer à réalisé avec Francisco Costa pour Calvin Klein une robe semi-transparente sur le sens éthymologique du mot « peur » (ci-dessous).

Ci-dessous modèle de Giles Deacon et Simon Periton

Sur le site d’Another Magazine, il y a l’ensemble des collaborations, l’article complet ainsi que quelques vidéos (accompagnées de super musiques) des shootings.
