
Gabrielle Chanel avait cette phrase :
« Il vaut mieux suivre la mode, même si elle est laide. S’en éloigner, c’est devenir aussitôt un personnage comique, ce qui est terrifiant. Personne n’est assez fort pour être plus fort que la mode. »
La mode, phénomène multifactoriel complexe, est peut-être l’acteur le plus actif de la modernité, qu’on le veuille ou non. Elle en condense les tensions : le renouvellement constant, le culte du présent, l’effacement du passé.
Rester moderne,
c’est croire qu’il reste quelque chose à dire, croire encore à l’inédit — à une parole, un style, un geste qui n’a pas encore eu lieu.
Refuser la mode,
se prétendre « anti-mode » ou s’opposer aux diktats de celle-ci, reviendrait-il alors à se retrancher de ces dynamiques ? et signifierait-il s’exclure de la modernité ?
Ou bien, autre voie, ce refus constitue-t-il, paradoxalement, une forme suprême de modernité : celle qui se défait d’elle-même ?
Fatigue
Terme d’actualité, on le retrouve aujourd’hui dans les discours culturels, médiatiques et esthétiques et souvent rattaché à la notion de « surcharge », à l’effondrement du sens et des repères.
Nous vivons dans une société injonctive où l’obligation de performance s’impose dès le réveil. « Être moderne » ou cette nécessité d’actualisation perpétuelle finit par produire une fatigue émotionnelle.
Rares sont les designers capables de s’extraire de ce torrent. Azzedine Alaïa, Yohji et Rei, Madeleine Vionnet et plus récemment Jeanne Friot. À l’opposé, Jacquemus (mais il n’est pas le seul) participe activement à cette saturation propre à notre époque (hyper)moderne.
C’est alors que certains éprouvent le besoin d’un retrait volontaire, d’une pause.
En 1979, Roland Barthes écrivait:
»Tout d’un coup, il m’est devenu indifférent de ne pas être moderne. »
Il exprimait par là une forme de fatigue, de lassitude — mais active. Et ce point fait toute la différence car son choix n’est pas un renoncement.
Barthes propose un désengagement, une retraite stratégique (comme sur un champ de bataille). Une indifférence choisie, stoïcienne à la manière de Marc Aurèle, salvatrice. Une manière d’être qui refuse le goût dominant où l’ironie devient une forme de critique et qui flirte avec le geste artistique, une attitude très « camp ».
Et si la vraie modernité, aujourd’hui, consistait à ne plus s’en revendiquer ?






















