Crucify myself

La communication print du dernier rouge à lèvres de la maison Saint Laurent, Rouge Volupté, a pour égérie l’emblématique Kate Moss, nue, la bouche fardée, les yeux à peine maquillés, négligemment coiffée à la main. La photo est barrée de haut en bas et de gauche à droite de deux traces couleur lipstick.

Voilà qui rappelle « The last sitting », la célèbre séance de shooting marathon réunissant Marylin Monroe et le photographe Bert Stern en 1962. Outre les considérations purement artistiques on retrouve en effet quelques similitudes entre les deux mises en scène. L’actrice, qui disparaîtra la veille de la publication par le Vogue US de cette série de photos, a tracé sur cette photo une croix christique prémonitoire.


The last sitting, Marylin Monroe, par Bert Stern, hôtel Bel Air, Los Angeles, 1962

Faisant office de refus de publication par l’actrice, cette croix est sans complaisance : elle barre deux fois le visage et sépare le corps en deux. Cette croix dont la base est légèrement courbée est chancelante, son instabilité renforcée par l’horizontale qui penche dangereusement vers le bas est le prélude à une chute.


Campagne print, Kate Moss pour Rouge Volupté d’Yves Saint Laurent, 2008

C’est une autre croix qui orne l’affiche d’Yves Saint Laurent, une croix inversée, dite croix de Saint-Pierre. C’est la croix du martyr indigne du supplice de son Dieu. Aucune indignité cependant ici, contrairement à la photo de Marylin, ici le visage n’est pas barré par la croix bien au contraire, les infographistes ont fait en sorte de laisser le visage de Kate Moss, l’égérie, bien visible. Conquérante, cette croix à la base solide se dirige vers la droite et vers le haut, elle est plus dynamique.

Pour un mannequin au comportement sulfureux, maintes fois enterré et ressuscité par la profession, cette croix inversée, qui est aussi un symbole satanique connu, peut-elle être perçue comme une ultime provocation, volontaire ou pas, consciente ou inconsciente ?

Modern dandy

L’été est pour moi saison propice à un rattrapage culturel.

La période estivale a débuté par l’écoute de l’album de Grinderman, alias Nick Cave et une bande de musiciens plus hirsutes les uns que les autres. L’australien en est à sa énième transformation, fFondateur de l’emblématique groupe punk The Birthday Party, leader du groupe Nick Cave and the Bad Seeds et depuis 2007 leader de ce groupe baptisé Grinderman.

A écouter sur ce disque Electric Alice(1).

Avec sa moustache à la Jules Barbey d’Aurevilly et les senteurs d’opium (si chères à Charles Baudelaire) exhalant de ce court-métrage, nul doute que Nick Cave s’inscrit dans cette lignée de dandys…

Les sonorités orientales se marient parfaitement avec ce morceau, j’aime le style Nick Cave, costume sombre, ajusté, sur une chemise négligemment ouverte sur la poitrine, il dégage une certaine fureur mêlée de nonchalance, il offre une certaine élégance au milieu de la luxure, une certaine tension au milieu des corps alanguis, de la mélancolie au sein de l’euphorie. Le geste est maniéré et étudié.

Comme Leonard Cohen, Tom Waits, David Bowie ou plus proche Daniel Craig (habillé par Brioni puis Tom Ford dans Quantium of Solace), il fait partie de ces hommes qui possèdent élégance et mystère, mais aussi ce côté excessif et borderline propre au dandy, car ce dernier plus qu’une gravure de mode, est un avant tout un style de vie et une attitude.


Jules Barbey d’Aurevilly

Modern dandies de l’été 2009…


Dior, printemps-été 2009, (c) Vogue.


Givenchy, printemps-été 2009, (c) Vogue.


Paul Smith, printemps-été 2009, (c) Vogue.

(1) dédié à Alice Coltrane, femme du jazzman John Coltrane.

Esprit de 1968 es-tu là ?

En ce mois de mai, des centaines d’ouvrages et de reportages sont consacrés à cet évènement qu’a été Mai 68, un trop plein dont on ne sait que retenir. En mode, rien d’hystérique, quelques articles de ci-de là pour nous rappeler ce que portaient les jeunes gens de l’époque. Les changements politiques, les mutations sociales et les manifestations que connurent Paris, Tokyo, Berkeley mais aussi Prague, les créateurs les avaient annoncés quelques saisons auparavant, à la manière de la présentation des collections femmes, six mois à l’avance…

Je vous propose un petit retour en images sur trois des révolutions vestimentaires qui marquèrent cette époque : le pantalon pour femme, la mini-jupe et le collant. Comme s’accordent à dire les analystes aujourd’hui, Mai 68, plus qu’un événement politique, est un soulèvement culturel et sociologique.

Le pantalon pour femme

Créé par Yves Saint-Laurent en 1965 ou 1966 selon les sources


Tailleur pantalon avec gilet, par Yves Saint Laurent (1967)



Tailleur pantalon à tunique longue, Charles Maudret (1966)
La tunique permettait à chaque femme, quelle que soit sa morphologie, de s’approprier le pantalon, gommant la saillie du bassin. Dès 1965 il se fabrique en France plus de pantalons que de jupes.


La mini-jupe

créée par Marie Quant, puis popularisée par André Courrèges (circa 1965)


À droite Marie Quant et deux de ses modèles


Mini, mini, mini
(source : Special Pop, Albin Michel)


Anne-Marie Boell, mannequin de l’équipe Courrèges, jupe au-dessus du genoux obligatoire, une attitude sportive et conquérante.
(source l’Officiel spécial Courrèges)


Outre les longueurs et les matières nouvelles, la mode s’industrialise, Yves Saint-Laurent devant la première boutique Saint Laurent Rive Gauche, 1967

Ci-dessous une photo emblématique, que je ne connaissais pas et qui montre l’implication de certains créateurs dans les événements du printemps 68.

Modèle Yves Saint-Laurent, 1967
(source Pierre Boulat, agence Cosmos)

Le collant

En 1967, vendus en boule dans un cube et non apprêtés, les collants Tels Quels de Dim sont quatre fois moins chers que le prix habituel.

« Si les hommes et une certaine catégorie de femmes – les moins jeunes et aussi les plus raffinées – ont gardé un goût vif pour les enveloppes de tulle au parfum de frou-frou, les jeunes garçons et filles, et les femmes d’aujourd’hui – qui travaillent, donc qui veulent être à l’aise, qui n’ont pas de domestique, donc qui veulent une fibre synthétique qui se lave facilement et ne se repasse pas et de préférence de couleur – ont un regard, disons plus sportif qu’auparavant sur le corps féminin (…) » (Katia D. Kaupp, Elle, 10 mars 1966)


trichromie en collant sur le mannequin Anne Pucie, 1968

Cette mode composée pour une jeunesse conquérante, faite de collants souvent opaques, aux couleurs vives et dans cette matière révolutionnaire qu’est le Lycra ™, ira de pair avec la mini-jupe. Le collant relèguera au rang d’accessoire érotique le porte-jarretelles. Ces bouleversements vestimentaires venus de la rue insuffleront un nouvel élan au Prêt-à-porter, mais aussi à la bijouterie.

Dinh Van a fait descendre le bijou dans la rue, l’a démocratisé en le réinventant par des formes épurées et ludiques. Son célèbre Pavé a justement été créé en 1968. Cet hommage rendu au symbole de cette période révolutionnaire est réédité. Et pour fêter l’événement une soirée fut organisée au Mini-Palais (le 21 avril dernier), réunissant people et plusieurs artistes du street-art dont Tanc et la célèbre Miss-Tic(1). Une rencontre entre le luxe et la rue bien dans l’esprit de ce bijoutier révolutionnaire.

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Dinh Van, le joaillier libre, campagne de communication

Que reste-t-il de l’esprit de 68 ? Il y a quarante ans, la rue voulait rompre avec une « vieille France », celle de la Couture et de Tante Yvonne(2). La rue est aujourd’hui une source inépuisable d’inspiration pour la mode, le Prêt-à-porter permet aux femmes occidentales de s’habiller comme bon leur semble et la première dame de France est un ex top-model ! L’esprit révolutionnaire, l’envie de rupture se sont peut-être déplacées sur le web. Peut-être allons-nous entrer dans le temps des cyber-révolutions ?


(1) L’agence Balistik’art m’a permis ainsi qu’à quelques blogueurs d’assister à l’événement, cliquez ici pour voir les photos de la soirée.
(2) Yvonne de Gaulle, première dame de France.

Die frau-maschine…

… la femme-machine(1)

Du défilé emblématique de Nicolas Ghesquière (photo ci-dessous) où l’on a vu défiler des mannequins en leggings dorés tout droit sortis du Métropolis de Fritz Lang, à certaines campagnes de publicité vues cette saison, se dessine une image de la femme, silhouette mécanique, robotique, digne d’un roman d’anticipation avec tous ses clichés.


Balenciaga, summer/spring 2007, coup de tonnerre sur les podiums


Maria, le robot de Métropolis


Spartiates techno-ethniques, cocon-carapace aux épaules et surpiqures exagérées créent une silhouette futuriste, stricte et structurée, un buste qui n’est pas sans rappeler certains robots japonais (voir ci-dessous)…


The Man-machine, musique de synthèse des robotiques Kraftwerk issu de l’album Die Mensch Maschine (The Man-Machine).

Chez Diesel, les visuels de campagne sont axés sur le thème de la vitesse (référence à la mécanique ?) Live Fast et High speed shopping sont les deux concepts développés cette saison. Les femmes perdent toute humanité dans un monde où tout va trop vite et où l’on doit faire vite, toujours plus vite, tels des machines.

diesel-live-fast
Vous reconnaissez la fiancée de Frankenstein ? Dans un atelier de modélisme transformé pour l’occasion en salle d’opération. À peine recousue, la voici on-the-go !

Chez les jumeaux de DSquared, femmes et hommes font corps avec des crash test dummies.


Tout les fantasmes y passent, sexe et mutation : le mannequin au premier plan simule l’acte sexuel avec un demi-robot ; toutes ces jambes emmêlés se confondent si bien que cette femme de chair et de sang se mue alors en androïde mi-femme mi-robot. Au second plan, la poupée de crash-test est remplacée par une femme.

Les visuels de Miu Miu, marque moins subversive que les deux précédentes, s’inscrivent, à mon avis, dans ce même mouvement.

Kirsten Dunst est une poupée ou une marionnette à fil. Les références à la Commedia dell’arte via les multiples représentations d’Arlequin dans la collection, les jeux d’ombres, le cerceau, nous inscrivent sur une scène entre le théâtre et le cirque, propice aux automates, ancêtre des robots.

Il règne dans toutes ces images une certaine inquiétude, une certaine morbidité. Arlequin dont l’origine ancienne viendrait d’une croyance médiévale, la mesnie Hellequin(*)(*), cortège magique composé de diables et de fantômes, est un personnage des enfers.

Toutes ces références traduisent-elles une peur du lendemain ?

A écouter « Das Modell » (The Model), by Kraftwerk

et si le vrai luxe c’était l’espace ?

 

J’emprunte le titre de ce billet à une célèbre pub du créateur d’automobile

Après vous avoir entraîné dans des profondeurs abyssales, je vous propose un voyage vers l’infini de l’espace.

Le constat

Le luxe a besoin de se redéfinir, de retrouver du sens. H&M featuring Karl Lagerfeld jusqu’à Canderel featuring Swarovski créent un luxe industriel, rompant avec les codes habituels du luxe. Rien dans ces opérations promotionnelles ne rappelle les codes du luxe: ni dans le cadre de mise en vente de ces produits, ni dans les matières utilisées et encore moins par le service. Pourtant ces ventes créent une certaine hystérie chaque saison générant des files d’attente interminables lors des premiers jours. Des trois acteurs présents, qui sort son épingle du jeu?

  • le consommateur : a la possibilité d’acheter des produits labellisés luxe à bas prix ;
  • l’enseigne de mass-market : crée un effet halo, dynamisant son image et lui permettant de se démarquer de la concurrence ;
  • l’enseigne de luxe : dilue et multiplie son image tout en se créant de nouvelles sources de profits via des produits rendus accessibles.

Ce que l’on peut résumer par les schémas ci-dessous :


1. Deux marchés distincts, chacun ayant sa dynamique concurrentielle.

2. Un marché mixte où se crée une nouvelle dynamique, permettant à certains acteurs (marque alpha) de se démarquer. L’enseigne de luxe, entre en scène en proposant des produits industriels et en créant des opérations promotionnelles avec la marque alpha. Le consommateur de masse profite de cette nouvelle dynamique, opère un « déplacement » et découvre de nouveaux produits.

3. Pour éviter tout risque de confusion, l’enseigne de luxe propose à ces clients historiques des produits toujours plus audacieux, mais reste également sur le marché de masse.

L’ensemble crée une dynamique certaine entre ces trois protagonistes, mais qu’en est-il du quatrième acteur, plus discret, le consommateur du luxe ?

Cabine d’essayage de luxe…

le dressing room de Christian Dior, Paris, par Peter Marino

Louis Vuitton a démocratisé la toile monogramme, on la croise sur maints accessoires et pour toutes les bourses, du porte-clef au sac à main, dans la rue, le métro, sur les bancs de la fac, au bureau, etc. Il a sans doute fallu proposer d’autres produits pour satisfaire sa clientèle haut de gamme, l’enseigne a fait intervenir des œuvres d’artistes (reprise des graffitis de Stephen Sprouse) ou a collaboré avec eux (l’artiste contemporain Takashi Murakami) afin de re-créer la toile monogramme, créant un repositionnement à la fois dans la gamme des produits mais aussi culturel, qui lui n’est pas toujours identifiable par le grand public.

  • valeur : rare=cher=luxe
  • culturel : qualité de service+connaissance du savoir-faire+fidélité+référant artistique pointu…=luxe

Il manque à ces deux éléments constitutifs du luxe, une troisième dimension rarement abordée, celle qui fait que le luxe est bien autre chose qu’un simple acte de consommation. D’ordre immatériel cette dimension englobe des notions comme l’excentricité (une certaine extravagance), le temps, le silence, la discrétion; je m’attarderai ici sur la première.

Décrocher la lune...

J’ai sélectionné dans l’actualité quelques réalisations et projets (voir ci-dessous) mêlant rareté, service et le combo excentricité/folie/innovation, de quoi satisfaire et repousser les limites de la plus exigeante clientèle du luxe…

l’hélicoptère by Hermès

6 exemplaires par an construits en collaboration avec Eurocopter, une collaboration qui va plus loin que la simple esthétique. Gabriele Pezzini, le designer a également apporté des améliorations techniques en remodelant l’espace intérieur et en l’adaptant à la clientèle visée, faisant broder par exemple la signalétique intérieure en lieu et place des plaques imprimées.

Prix pour acquérir cette monture volante : 5 millions d’euros

La tour Burj Dubaï

Dubaï, où se construit à un rythme effréné le plus grand gratte-ciel du monde. Il fait déjà  plus de 500m et sa hauteur finale serait comprise entre 820 et 850 m pour une livraison en 2009, il abritera dans ses derniers étages des appartements et boutique de luxe ainsi que le premier hôtel de… Giorgio Armani. Une véritable tour d’ivoire en quelque sorte.

Toujours plus haut avec Virgin Galactic

vue sur le spatioport imaginé et dessiné par l’agence Foster + Partners


Projet fou du milliardaire britannique Richard Branson, fondateur de Virgin : emmener dans l’atmosphère quelques happy fews pour un voyage de quelques minutes. Le projet qui semblait utopique est passé en phase de réalisation, le design de la navette civile et du spatioport ayant été révélés en début d’année.
Prix du billet : 200 000 $
À voir absolument la galerie photo du projet (cliquez sur le menu images)

Toujours plus grand

250 passagers triés sur le volet, pourraient monter à bord de ce super zeppelin, ce Queen Mary 2 des airs. Se déplaçant à un train de sénateur (environ 300 km/h), il concernerait des voyageurs ayant le temps(1) et qui sont plus intéressés par le cadre luxueux du voyage que par la destination. Plusieurs compagnies aériennes seraient intéressés par ce projet qui devrait aboutir à la réalisation d’un prototype à l’horizon 2010.

Preuve de l’engouement pour l’espace, l’an dernier une exposition sur le thème se tenait à l’Espace Louis Vuitton, réunissant des artistes aussi divers que : Russell Crotty, Yves Klein, Philippe Starck(2) ou Pierre Huyghe.

campagne de communication Lacoste SS2008

Lacoste pour éviter tout détournement de son image a changé sa stratégie de communication depuis plusieurs saisons. Les mannequins sautent, flottent et quittent les basses considérations terrestres pour apprivoiser, je vous le donne en mille: l’espace.

L’Espace, les folles inspirations et aspirations qu’il procure est à même de définir une nouvelle frontière pour le luxe alors qu’en dites vous : et si le vrai luxe c’était l’espace ?

En combinant ces trois ingrédients (valeur, culturel et immatériel), les marques sont à même de proposer à leur clients privilégiés, ceux qui consomment quotidiennement du luxe, des produits et des services à leur mesure, adaptés, personnalisés. Recréant avec eux, le lien et la complicité qui risquait d’être mise à mal.

Yves Carcelle, résume cette idée en citant cette cliente qui s’est faite confectionner des étuis sur-mesure pour chacune de ses flutes à champagne qu’elle emportait en voyage avec elle. Plaisir un brin extravagant et luxueux, nécessaire au bien-être de cette cliente ouvrant par la-même le champ à un autre impératif immatériel du luxe, l’intime. Comme le dit si bien Victoire de Castellane : « Le luxe, c’est la qualité, l’intime, le non montré. » telle la doublure d’un vêtement, mais çà c’est une autre histoire.


A consulter :

cet article du Figaro et le numéro spécial luxe de novembre -décembre 2007 de Psychologies magazine.

Notes
(1) « Ô temps ! suspend ton vol… »
(2) Ci-dessous vue « vers le haut », par Philippe Starck

 

parce qu’elle le vaut bien

Je suis sans doute la seule personne de cette planète à ne pas supporter Kate Moss. C’était jusqu’à  il y a quelques minutes…

« Comment peut-on ne pas aimer Kate Moss ? » me direz-vous. Pour plusieurs raisons…

Kate Moss tout le monde l’aime, donc je ne l’aime pas… – Kate Moss et ses frasques avec Pete… Laissez-moi rire, on a voulu nous refaire le coup de Sid et Nancy (version junkie de luxe) ! – Kate Moss bannie par le monde la mode, cela n’a duré que « quinze jours », la soi-disant éthique c’était du flan ! – Kate Moss dans Elle magazine, est toutes les semaines une icône de style, qu’elle soit habillée comme un sac ou pas… – Kate Moss n’a rien, combien de fois ai-je lu que cette fille n’avait rien de spécial et que l’on ne comprenait pas son succès… – Kate Moss, cela fait plus de quinze ans qu’elle fait la une des magazines et des dix premières pages des magazines de mode, vous n’avez personne d’autre ?

Une des premières couvertures de la Kate Moss

Certes, je ne crois que moyennement (mais un peu quand même) à ce que j’ai écrit ci-dessus ; cela me permet de ne pas tomber en pâmoison, devant cette fille, comme la moitié de l’univers.

Il y a quelques minutes je suis allé sur le site d’Hedi Slimane et j’ai découvert sa série de photos du 7 mars 2008 intitulé Kate Liberation. À cette Libération fait face ma Révélation. Sans doute l’effet Slimane agit encore une fois sur moi, mais tout à coup je vois ce top-model d’un œil radicalement différent. Les seins de Kate Moss, qui habituellement me laissent… de glace, en sont même devenus troublants. Ce visage et ce corps synthétisent toute une génération de femmes-icônes : la Marianne Faithful de Mick Jagger, la Twiggy, The Shrimp, la Bardot tragique du Mépris, la Patti Smith héroïne du rock, Nico et j’en passe.

Kate Moss est un peu toutes ces femmes.

Après avoir fait parler la poudre, en septembre 2005, on aurait pu craindre une carrière à la Edie Sedgwick, or il n’en a rien été : à la fois sulfureuse, femme-enfant, androgyne, muse, femme fatale, punk ou hitchcockiene ; de Burberry à Topshop, de Tokyo à NYC, de MTV à Fashion TV, son aura et son charisme sont tels que l’on ne peut contester alors son caractère incontournable et son omniprésence.

Certes, pour la plupart d’entre vous je ne fais que dire des choses que certains (photographes et rédactrices de mode) ont vu depuis le début, toutefois je doute que la Kate Moss découverte par la campagne de Calvin Klein possèdait tous les atours de la Kate Moss d’aujourd’hui.

Pour certains, Kate Moss n’est qu’un produit qui a eu du succès et qui a réussi un come-back fulgurant, pour ma part je pense que la mode a trouvé en Kate Moss son idole intouchable, son sweetest taboo.

God save the Moss.


1993, campagne Calvin Klein, découverte de Kate Moss et du style heroïn-chic


scary Kate Moss, je n’ai jamais pu accrocher à cette image de la femme…


Kate Moss, Liberation, par Heidi Slimane, une série qui porte bien son nom et que je vous invite à consulter d’urgence…


Kate Moss, néo-blonde hitchcockienne, très Eva Marie-Saint sur cette photo.

Y-a-t-il une vie après Kate Moss ?

 

Inspiration | Qui a un peu de temps devant lui…

Inspiration- … pour explorer les Abysses ? Il y a quelques semaines, des affiches avec des créatures gélatineuses, troublantes pour ne pas dire… effrayantes, sont apparues pour nous faire part de l’ouverture d’une exposition, nous entraînant très loin dans les profondeurs sous-marines.


couverture du livre de Claire Nouvian, également commissaire de l’exposition

Question d’agenda, je me suis contenté pour le moment des infos que j’ai pu glaner sur le web, car cette expo m’intéresse ; non pas tant du point de vue « marin » mais plutôt par ce qu’elle inspire.

Ces animaux qui vivent dans des cathédrales sombres et glacées plongeant de – 400 à – 7000 m sous la surface marine sont une bonne source d’inspiration. Allons-y façon cahier de tendance…

Les couleurs

  • beaucoup de rouges* vifs, des roses, des couleurs chairs et des marrons ;
  • des couleurs vives et intenses sur fond noir ;
  • une touche de couleurs fluorescentes, nous rappelant la saison passée (Christopher Kane, la nu-rave, etc.) ;
  • des tons porcelaine.

* le rouge est la première longueur d’onde à disparaître dans l’eau, ces créatures deviennent donc « invisibles » et sont à l’abri de leur prédateurs.

Photos de l’exposition

Les « volumes »

comme en modélisme, ils sont importants.

Ils seront amples et leurs proportions décalées. Ils seront à la fois ouvragés, délicats et aériens, créant des voiles arachnéens ou des bouillonnés.

Voyez les « volumes » ! – affiche du Printemps SS 2008 ou chez John Galliano pour Christian Dior

Les matières…

seront précieuses (soie rebrodée, mousseline, organdi et organza)

Photo de l’exposition (gros plan)

seront en matières naturelle et délicates (voir ci-dessous)

des mailles aux détails raffinés, une ethnicité moderne avec des incrustations de plumes et de perles.

Les formes…

une garde-robe qui fait la place belle aux robes de soirée et aux jupes boule…

Ci-dessous photo de l’exposition (avant-après)

Ci-dessous photo de l’exposition (avant-après)

Ci-dessous sur Julie Ordon une tunique courte en mousseline de soie à collerette et volants, photo via Chauffeur de Buzz

Ci-dessous photo de l’exposition (avant-après)

Les abysses inspireront aussi les costumiers et chorégraphes, je pense immédiatement à Philippe Guillotel

… pour témoin, voir ci-dessous le croquis de Philippe Guillotel pour la Compagnie DCA (Philippe Découflé) qui rappelle les poissons-dragons que l’on trouve dans les profondeurs marines.

poisson dragon dit football fish (-1000 m de profondeur).

etc…

costume de la Compagnie DCA

A lire

Les accessoires…

aux  formes épurées pour des accessoires futuristes et des effets matières pour des accessoires chaleureux au style « vintage-très chic ».

Les accessoires ne seront pas en reste, ces créatures des profondeurs pouvant, avec un peu d’imagination, prendre la forme de broches ou de sacs…

Photo de l’exposition – une broche ?

Photo de l’exposition, un sac-bourse haute-couture en plumes (Maison Lemarié), tulle de soie et perles ?

Photo de l’exposition, un sac-bourse, un détail de vêtement…

Photo de l’exposition, une créole?

Les imprimés et motifs…

… subtils cocktails d’imprimés pointillistes, avec des incrustations de perles, des fonds dégradés façon tie-and-dye.


Le site de l’exposition où j’ai puisé la plupart des visuels.

Visitez également la galerie

Mise-à-jour (6/03) : Pour étendre le sujet, consultez impérativement le billet de P’tite Mademoiselle.

Une certaine idée du luxe…

Ci-dessous cinq planches de Sempé qui illustrent ce qu’est le luxe, loin de la version souvent galvaudée que l’on voit deçi-delà.






A méditer…

Images issues du livre de Sempé, Rien n’est simple.

Lucy Orta et les tribus urbaines

 

1998, vêtement refuge pour 4. Le matin la tente se dézippe libérant ainsi 4 tenues « urbaines », munies de multiples poches. Le soir les 4 personnes se retrouvent au point de rendez-vous et reforment la tente à partir de leur tenue.

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J’ai déjà  parlé très brièvement de la styliste (artiste ?) Lucy Orta il y a quelques temps; tout comme Rei Kawakubo ou Hussein Chalayan cités dans l’article ci-dessous, Lucy Orta interroge le vêtement, étudie son interaction avec l’environnement urbain dans lequel la plupart d’entre nous évoluent. Green attitude avant l’heure, ses réalisations sont éthiquement correctes, souvent dignes d’un film d’anticipation, ses « vêtements-refuges »(1) n’en sont pas moins dénouées d’une certaine poésie.

Nul doute comme le souligne plus bas Paul Virilio, que les interactions entres les tribus urbaines et la mode, donc le vêtement et ces accessoires vont aller croissant, même en présence d’espaces virtuels comme MySpace/Facebook/Second Life… Ayant été récemment parrain d’une étudiante(2) exposant une thèse sur le sujet et suite à un échange avec le directeur de thèse, il m’est apparu assez clairement que certains bureaux de style devraient investir plus profondément dans ces recherches et ces artistes afin de mieux projeter nos comportements et définir ainsi les tendances, plutôt que de tenter de suivre difficilement le mouvement.
Ces stylistes/artistes apporteront à leur manière, des réponses aux interrogations techniques, morphologiques, sociales et d’identité liée au vêtement.

« Il faut avoir une esthétique et un statement. L’un ne fonctionne pas sans l’autre. » (Lucy Orta)

Le temps« post-it », le temps qui clignote, a fait de nous des mutants. Prisonniers des angoisses que les nouveaux activistes de l’art libèrent à travers leur travail. Parmi eux, Lucy Orta, 37 ans, née à Birmingham (Grande-Bretagne) et vivant à Paris. Nul ne s’étonnera que Paul Virilio, qu’elle a rencontré dans les années 90, lui ait rendu hommage:« Lucy dénonce, par ses vêtements collectifs, le retour des hommes à la meute. Au moment où l’on nous dit que les hommes sont libres, qu’ils sont émancipés, hyper-autonomes, elle dit au contraire qu’il y a une menace et que les hommes se rapprochent de nouveau. On peut appeler cela des gangs, des nouvelles tribus, des commandos » expliquait-il dans Lucy Orta Refuge Wear (éditions Jean-Michel Place, 1996).

2001, Cologne, « Nexus intervention »

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Utopie réaliste

Lucy Orta parle de ses objets comme d’éléments « pertubateurs ». Elle se voit en « utopiste réaliste « . Ses scaphandres urbains font aujourd’hui référence, tant dans l’art que dans la mode, où elle a fait ses débuts comme styliste à la Woolmark avant de créer ses premiers « vêtements refuges », inspirés par des recherches textiles sur les fibres expérimentales. «Les vrais pionniers sont les créateurs qui partent d’une réflexion sur la société.» Et de citer Rei Kawakubo (Comme des Garçons), Hussein Chalayan, Martin Margiela, et même Helmut Lang.

Elle a participé à dix expositions collectives ou en solo en 2003. Une soixantaine de personnes travaillent dans son sillage, véritable factory chargée de créer ses armures siamoises éthiquement engagées, ses accessoires d’anticipation, à l’image de ce Refuge Wear Mobile Survival Sac avec réserve d’eau incorporée (1996) ou encore cette Nexus Architecture, vêtement-intervention porté par 110 élèves de Cholet. La roue tourne, les œuvres naissent et se re-posent, d’un centre de détention à Rennes à la Foire d’art contemporain de Miami, d’un marché parisien – dont elle recycle les surplus pour en faire des conserves « conceptualo-comestibles. (All In One Basket, 1997) au London Fashion College où elle enseigne.

2005, Lucy Orta dans son atelier

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Objets urgents non identifés

Lucy Orta voyage, intervient, suffragette de l’art dont elle remodèle les lieux à son image, de son studio parisien à la Laiterie Moderne, un site industriel en bord de Seine, réhabilité en atelier géant, où elle travaille en collaboration avec son mari, l’artiste Jorge Orta. «Il faut avoir une esthétique et un statement. L’un ne fonctionne pas sans l’autre», assure celle qui vient de mettre en place un «post-diplôme», sur le thème Man & Humanity à la Design Academy d’Eindhoven (Pays-Bas). « Créer un dialogue, ouvrir tout le monde», dit-elle. Ambulances, camions militaires, brancards, architectures corporelles, systèmes d’aide immédiate «pour situations urgentes» : dans son regard, l’utilitaire flirte avec l’hygiénisme d’un nouveau meilleur des mondes, au bord de la catastrophe planétaire et de la science-fiction. Chacun, en regardant ces Ouni (objets urgents non identifiés), se sent tour à tour témoin passif, coupable de non-assistance à personne en danger et victime du drame écologique qu’il a créé.

Cet automne, deux livres couronnent son œuvre, dix après ses premiers « vêtements refuges» : Body Architecture (éditions Verlag Silke Schreiber), et surtout l’impressionnante monographie Lucy Orta(3) éditée en Angleterre, un refuge-book où il fait bon prendre abri.

Alice Hermann

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Un travail qui rappelle la collaboration entre Vexed Generation et Puma (2005), créant, je cite: « le parfait vêtement pour le stealth urban rider ».

2005, Puma x Vexed

puma x vexed-2

A voir:

Le Studio Orta
et
Un peu de lecture…

(1) Refuge-wear
(2) Les tribus urbaines et la mode : « La culture gothique et son influence dans la mode » : démontrer comment les sphères underground continuent a être un point de référence pour la renouvellement et l’inspiration stylistique, par Maria Eguiguren. John Galliano, Giles Deacon, Jean-Paul Gaultier ou encore Olivier Theyskens étaient cités dans cette étude.
(3) Lucy Orta, Contemporary Artists Series/Editions Phaidon. Entretiens avec Paul Virilio, Nicolas Bourriaud, Roberto Pinto 160 pages/150 illustrations/24 £

Bernard Arnault, Louis Vuitton, Marc Jacobs, Meryl Streep et les autres…

LVMH, déjà  propriétaire du quotidien La Tribune, veut mettre la main sur le titre concurrent, Les Échos. LVMH, Louis Vuitton-Moët-Hennessy, le plus grand groupe de luxe du monde, devant le suisse Richemont, réuni en son sein les marques les plus prestigieuses de la haute couture, du prêt-à-porter de luxe, des vins et spiritueux, de la joaillerie et bientôt, si les rumeurs de fusion entre les deux titres de la presse économique se confirment, un nouveau grand quotidien économique à l’image des grands quotidiens anglo-saxons.

Au milieu de tout ça, un homme : Bernard Arnault, qui a su mener son projet à bien et qui a fait de Louis Vuitton une des rares marques de luxe à maîtriser à ce point son processus de production, possédant ses propres ateliers, et laissant une large place à la créativité tout en restant fidèle à la marque.

Marc Jacobs, créateur quasiment inconnu en 1997, année où il a intégré le groupe, certes moins « diva » qu’un Karl Lagerfeld ou un John Galliano, est sans conteste l’un des créateurs les plus influents de notre époque, qui parvient en outre à proposer des produits radicalement diférents entre sa marque et le fleuron de LVMH.

LVMH a su projeter la mode dans le XXIe siècle, en faire une industrie respectée des autres industries, lui apporter une crédibilité et un poids jamais atteint, même au temps du grand Boussac. Rien n’illustre mieux, à mon sens, l’importance de la mode aujourd’hui que la célèbre réplique de Miranda (Meryl Streep) à Andrea dans Devil wears Prada (1).

Dans « Marc Jacobs & Louis Vuitton », le fabuleux reportage de Loïc Prigent, j’ai été très impressionné de voir ce savant équilibre entre marketing, communication et créativité, qui fait de Louis Vuitton une formidable « machine à gagner », tout est parfaitement sous contrôle, de la moindre broderie à un décor époustouflant organisé en périphérie de Tokyo à l’occasion d’un défilé exceptionnel, de l’anti-moustique à la tenue de chaque invité…

On y découvre un Marc Jacobs débordant de créativité, disposant de tous les moyens pour mener à bien les idées du studio créatif. Mais comme il le dit à la fin du reportage, le plus « grand », le plus créatif, ce n’est pas que lui, mais aussi Bernard Arnault, qui a su faire des choix et donner des orientations qui ont porté leurs fruits.

Pour que la « sauce prenne » il faut un génie créatif et un génie de la finance.

(1) « Je vois, vous pensez que tout ceci n’a rien à voir avec vous… Vous regardez dans votre placard et vous choisissez, disons, cet espèce de pull-over difforme, parce que vous voulez montrer au monde que vous vous prenez trop au sérieux pour vous soucier des vêtements que vous portez, mais ce que vous ignorez c’est que ce pull n’est pas juste bleu, il n’est ni turquoise, ni azur, c’est un bleu que l’on appelle céruléen et vous êtes aussi parfaitement inconsciente du fait que en 2002 Oscar de La Renta a présenté une collection de robes cérulénnes et que c’est Yves St Laurent, il me semble, qui a créé les vestes militaires bleu céruléen…

Et puis le céruléen est vite apparu dans les collections de 8 couturiers différents, il s’est ensuite infiltré peu à peu dans les lignes de prêt-à-porter et dans les grands magasins, et puis j’imagine qu’il a fini par se retrouver dans une petite boutique de vêtements misérables où vous l’avez sans doute sorti d’un bac de liquidation ; quoi qu’il en soit, ce bleu représente des milions de dollars ainsi qu’un énorme nombre d’emplois et j’avoue que je trouve ironique que vous soyez sûre d’avoir fait un choix qui vous exclue du monde de la mode alors qu’en fait, vous portez un pull justement choisi pour vous par les personnes dans cette pièce parmi une pile de truc divers. »