Le vêtement peut être un outil de conquête, de négociation et de rupture. À travers quelques exemples il révèle une véritable grammaire de résistance.
Le vêtement est un vecteur de subversion
J’ai découvert il y a quelques jours le concept de « mimétisme critique » de Homi K. Bhabha (The Location of Culture, 1994) où le vêtement, porté par des sujets colonisés, devient un lieu de résistance critique.
Le vêtement-signe représente la révolte consciente du colonisé contre le capital triomphant.
Le vêtement est un signe d’ascension sociale
Cette lecture m’a immédiatement évoqué les théories de Thorstein Veblen, où dans un phénomène d’imitation descendante, les classes inférieures cherchent, avec le vêtement, à reproduire les signes extérieurs de richesse pour accéder symboliquement à un rang supérieur (The Theory of the Leisure Class, 1899).

Le vêtement devient performatif et porteur de critique implicite
Manuel Charpy (in. Modes espaces critiques, 1980-2000, ed. De La Sorbonne) illustre le concept de mimétisme critique en prenant l’exemple du phénomène de la sape congolaise (société des ambianceurs et des personnes élégantes), qui dans leur réappropriation surenchérie du vêtement colonial exposent les contradictions du pouvoir, en imitant, sans jamais totalement adhérer.
Il se crée un espace de tension et de résistance.

En prolongeant cette réflexion, je me suis interrogé sur la place du vêtement punk. Aux marges du mimétisme ? Ou dans un tout autre registre, plus frontal ?
Le vêtement est insurrectionnel
Le look punk ne relève pas d’un mimétisme critique, mais plutôt d’un sabotage esthétique.
Contrairement aux logiques décrites par Bhabha dans le mimétisme critique, le punk ne cherche ni à imiter les dominants, ni à s’infiltrer dans leurs codes vestimentaires pour les détourner.

Le punk s’approprie des éléments du vestiaire bourgeois ou militaire (vestes de costume, kilts, uniformes, blazers d’écolier anglais…) pour les profaner, les décontextualiser, les « re-signifier », voire les détruire.
Il ne copie pas le costume bourgeois pour le tordre, comme pourrait le faire un sapeur. Il rejette frontalement le bon goût, dérange les normes et le vestiaire légitime.
Le vêtement est un terrain d’insubordination active; qu’il brouille les classes sociales, conteste le pouvoir politique ou sabote le langage vestimentaire dominant, le vêtement n’est jamais neutre
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