Une mode politiquement… incorrecte

À en regarder la tenue de certains de nos hommes et femmes politiques on désespère quand à leur culture fashion, bien que de sérieuses améliorations aient eu lieu ces dernières années. On peut citer Carla Bruni-Sarkozy, notre première dame de France, Rachida Dati, notre ministre de la Justice, Ioulia Tymochenko, première ministre d’Ukraine ou plus récemment Michelle Obama, première dame américaine. Toutes ces femmes ont fait au moins une fois la couverture d’un magazine de mode ou occupés une de leurs pages.

Pour autant mode et politique font-ils bon ménage? Comment Miuccia Prada,  cette ancienne (?) militante du Parti Communiste, qui le 14 octobre 2000 organisait une des party les plus hype de Paris place du Colonel Fabien (siège du PC) peut-elle créer des tenues à des prix inaccessibles pour la moyenne des gens? Jean-Baptiste Doumeng, le milliardaire rouge, nous a prouvé que l’on pouvait être milliardaire et communiste, la question n’est pas aussi simple et mériterait d’être développée plus amplement.

Miuccia Prada est iconoclaste et nous propose par conséquent, des vêtements usés, des vêtements « pauvres » et « misérables », troués et sans ourlets défiant les traditions, donc proches du peuple. Des vêtements communistes qui font dire : « On vous accepte même si vous êtes en guenilles, c’est Miuccia qui l’a dit! ».

Inévitablement, ces modèles nous interpellent car ils induisent :

  • une dimension artistique proche de l’Arte Povera, le vêtement comme objet d’art;
  • une dimension économique, en période de crise on ne craint plus de sortir ses vêtements usés, une simple ceinture délicatement choisie sublimera l’ensemble;
  • une dimension sociale, chacun de nous, quelque soit notre CSP(1) possède un vieux vêtement usé dans son armoire, à nous de lui redonner sa chance et d’être ingénieux;
  • une dimension temporelle, laissons le temps aux vêtements de vieillir, ressortons les tenues de nos grands-parents et ne cédons pas à la tyrannie de la fast-fashion.

Pour finir, on peut imaginer que chacun de ces vêtements véhicule une dimension bespoke, les usures n’étant pas identiques d’un vêtement à l’autre, elles rendent celui-ci unique, contredisant la dimension communiste et égalitaire, vous avez dit contradictoire? Les repères sont chamboulés et le conservatisme est sérieusement mis à mal par cette créatrice désobéissante plus engagée qu’on pourrait le penser.

des escarpins comme rafistolés

des robes de luxe... rongées par les mites

une jupe évorée, sans doute trouvée dans le grenier d'une maison abandonnée

robe malenpoint...

(1) Catégorie Socio Professionnelle

À lire
Prada party au siège du PC
Jean-Baptiste Doumeng, le milliardaire rouge

Remarque : les vêtements ici sont « simples (robe trois trous, robe bustier…) et n’ont pas la théâtralité du défilé « Clochards » de Christian Dior par John Galliano en 2000, qui abordait également la notion de pauvreté.

Die frau-maschine…

… la femme-machine(1)

Du défilé emblématique de Nicolas Ghesquière (photo ci-dessous) où l’on a vu défiler des mannequins en leggings dorés tout droit sortis du Métropolis de Fritz Lang, à certaines campagnes de publicité vues cette saison, se dessine une image de la femme, silhouette mécanique, robotique, digne d’un roman d’anticipation avec tous ses clichés.


Balenciaga, summer/spring 2007, coup de tonnerre sur les podiums


Maria, le robot de Métropolis


Spartiates techno-ethniques, cocon-carapace aux épaules et surpiqures exagérées créent une silhouette futuriste, stricte et structurée, un buste qui n’est pas sans rappeler certains robots japonais (voir ci-dessous)…


The Man-machine, musique de synthèse des robotiques Kraftwerk issu de l’album Die Mensch Maschine (The Man-Machine).

Chez Diesel, les visuels de campagne sont axés sur le thème de la vitesse (référence à la mécanique ?) Live Fast et High speed shopping sont les deux concepts développés cette saison. Les femmes perdent toute humanité dans un monde où tout va trop vite et où l’on doit faire vite, toujours plus vite, tels des machines.

diesel-live-fast
Vous reconnaissez la fiancée de Frankenstein ? Dans un atelier de modélisme transformé pour l’occasion en salle d’opération. À peine recousue, la voici on-the-go !

Chez les jumeaux de DSquared, femmes et hommes font corps avec des crash test dummies.


Tout les fantasmes y passent, sexe et mutation : le mannequin au premier plan simule l’acte sexuel avec un demi-robot ; toutes ces jambes emmêlés se confondent si bien que cette femme de chair et de sang se mue alors en androïde mi-femme mi-robot. Au second plan, la poupée de crash-test est remplacée par une femme.

Les visuels de Miu Miu, marque moins subversive que les deux précédentes, s’inscrivent, à mon avis, dans ce même mouvement.

Kirsten Dunst est une poupée ou une marionnette à fil. Les références à la Commedia dell’arte via les multiples représentations d’Arlequin dans la collection, les jeux d’ombres, le cerceau, nous inscrivent sur une scène entre le théâtre et le cirque, propice aux automates, ancêtre des robots.

Il règne dans toutes ces images une certaine inquiétude, une certaine morbidité. Arlequin dont l’origine ancienne viendrait d’une croyance médiévale, la mesnie Hellequin(*)(*), cortège magique composé de diables et de fantômes, est un personnage des enfers.

Toutes ces références traduisent-elles une peur du lendemain ?

A écouter « Das Modell » (The Model), by Kraftwerk