Modoscopie | Vincent Rouvière, le Podium Jeunes Stylistes

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Ci-dessus: Vincent Rouvière, quelques minutes avant le début du défilé de l’édition 2014 du Podium Jeunes Stylistes

« D’aussi aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été passionné de mode » vous dira Vincent Rouvière, entrepreneur, consultant, fondateur et président du Podium Jeunes Stylistes (PJS).

En 2008, avec l’aide d’un ami, il décide de concrétiser sa passion. Elle prit la forme d’un défilé organisé sur une péniche parisienne et réunissait alors une centaine d’invités parmi lesquels principalement des amis et quelques créateurs.

Depuis le PJS s’est mué en un véritable incubateur, voulant faire rimer à Paris, business et création de mode.

Créatifs et managers

Consultant quelques temps en Chine « où les choses bougeaient pas mal » et où il aidait les entreprises à s’installer en France, Vincent décide pour « son » défilé de passer la vitesse supérieure en imaginant un évènement qui réunirait compétences managériales et compétences créatives.

À son retour, réunissant des amis issus autant d’école de mode, que de communication et de commerce il définit ce que sera le futur du PJS.

Former, former et former

Le leitmotiv sera « aider la jeune création française et étrangère à Paris, les aider à être des marques pérennes ».

Contrairement aux nombreux autres concours, le PJS propose avant tout de coacher et de suivre les jeunes créateurs. La vocation n’est pas d’offrir une bourse au lauréat. « Avoir de l’argent sans savoir comment le gérer peut être un piège et si le projet est cohérent, le financement se fera en temps voulu », déclare Vincent Rouvière.

La première édition avait privatisé un lieu hors du commun, à l’intérieur de la station de métro Palais Royal au sein de la galerie d’art 1re Station. Le lauréat Sébastien Meyer (école Mod’Art) reçu son prix à Shanghai où pendant 10 jours un business trip sur-mesure (rencontres avec les différents acteurs du milieu de la mode chinoise et française, agences web, fabricants, etc.) lui fut proposé. Il a depuis créé sa marque Coperni.

Ci-dessous, deux silhouettes de M. Longliang Du (école Mod’Art), lauréat de l’édition 2014.

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Accompagner la jeune création

Passant tout son temps libre bénévolement dans ce projet, Vincent Rouvière à su lier d’intéressants partenariats avec la Mairie de Paris, Les Ateliers de Paris, les Ministères de la Culture et de l’Industrie, la Fédération de la Couture ou les sites Brandalley et l’Exception.

Depuis deux ans, ce qui était au début un « simple » défilé s’est étendu au travers de Paris Factory, une formation de 8 semaines en partenariat avec l’école ESCP Europe. Accessible à tous les créateurs de mode désireux d’entreprendre et de se former auprès d’intervenants issus de l’ESSEC, de l’IFM, de l’ESCP et d’entrepreneurs, cette formation est offerte au lauréat du PJS.

Co-brandée par Fashion Mag, sponsorisée par le cabinet Ernst and Young et supportée par l’ESCP, elle est accessible pour seulement 200 euros après sélection sur dossier. Les créatrices Léa Peckre ou Christine Phung (membre du jury de la dernière édition) ont pu bénéficier de cette formation.

À la fin de la formation, l’étudiant présente un projet qui s’il est élu, sera « accompagné ». Il aura alors accès gratuitement aux salons, à des incubations, à un coaching personnalisé ou une visibilité sur des vitrines e-commerce avec Le Lab, des propositions très concrètes pour entreprendre.

Le recrutement

La direction artistique chapeautée depuis peu par Fabien Rambert (lauréat du Festival de Dinard 2007) fait des conférences toute l’année dans les écoles de mode en Europe, l’information est relayée par FashionMag.

Ce tour d’Europe met en évidence certaines disparités entre nos écoles françaises et leurs homologues européennes. « Nous formons de très bons stylistes », dit le jeune entrepreneur, « mais nous avons des lacunes quant à l’adaptabilité au monde du travail ». La dimension sociale, l’apprentissage des langues étrangères (les termes techniques) et une dimension « business » plus engagée nous fait défaut.

« Mod’Art et ESMOD sont les rares écoles à avoir intégré dans leur cursus des cours de management, ce qui pour moi est une dimension importante » affirme Vincent.

Les centaines de dossiers reçus avant chaque session comprennent les inspirations du candidat, des pages liés au thème du concours et un curriculum-vitae. Un premier jury composé de « quatre binômes » (un ancien lauréat et un membre issu des milieux de la gestion), élit quinze dossiers.

« On choisit les créateurs les plus motivés, les plus créatifs et les plus ambitieux! » lâche Vincent Rouvière. Dès leur élection, les designers ont cent jours pour réaliser une mini-collection de trois silhouettes (deux pièces créatives et une pièce prêt-à-porter) en respectant le thème du concours et en utilisant une sélection de matières imposées par le PJS, cela afin d’harmoniser les chances de chacun.

Bâtir son « après »

L’intérêt pour le créateur est de comprendre que s’inscrire et (éventuellement) devenir lauréat du PJS est pour lui un point de départ pour bâtir son futur.

Pour l’accompagner Vincent Rouvière et son équipe ont créé Le Club Podium Jeunes Stylistes dont les lauréats font automatiquement parti. lls peuvent ainsi tous les trimestres, assister à des conférences axées sur des thématiques mode (sourcing matières, le « Made in France…). Tous les deux mois, une jeune marque vient parler de son parcours. Un accès privilégié, aux salons parisiens (Who’s Next, Première Vision…), accompagné par un responsable, leur est offert, afin qu’ils comprennent l’intérêt de participer à ces manifestations, mais aussi d’en saisir les coûts et les bénéfices.

Face à la kyrielle de concours dédiés à la jeune création, aux ambitions variées, le souhait de la direction du PJS est d’avoir un regard créatif plus pointu et d’avoir chaque saison quinze créateurs de référence, il y un désir de monter en exigence.

Recruter à la sortie de l’école, sélectionner les profils à la fois les plus talentueux et les plus ouverts à la dimension marketing de leur travail reste un positionnement ambitieux. Face à l’arsenal d’aides, de coaching et d’opportunités mises en place par le PJS, les créateurs disposant de la maturité et de l’envie nécessaire sont à même de rentrer dans une démarche de création d’entreprise.

Mais il ne faut pas se tromper, la démarche sincère et engagée de Vincent Rouvière et son équipe ne peut en aucun cas garantir le succès, mais elle constitue une base concrète pour développer une activité et apporter une certaine sérénité aux jeunes designers.

Boussac-Dior, Bergé-Saint Laurent, Arnaud-Jacobs… espérer reproduire ces modèles gagnants ne doit pas faire oublier que former les designers au marketing est une chose, mais que la réciproque doit aussi être appliquée…

 

Ci-dessous, sélection de l’édition 2014

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Des frères Sternberg à  l’art cinétique en passant par la datavisualisation…

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Above: Hans Behrendt’s « Six Girls Seeking Shelter », 1927

Découverte par hasard, l’affiche (ci-dessus) du film « Six girls seeking shelter » des frères Sternberg (Vladimir -1899-1982- et Georgy -1900-1933-), graphistes et artistes du mouvement constructiviste m’a rappelé cette initiative du New York Times qui a eut lieu lors de la dernière fashion week et la manière dont je l’avais réinterprété avec mes élèves.

Des frères Sternberg à la datavisualization

Les journalistes du New York Times ont fait appel des programmeurs. Ces poètes du code informatique ont développé, via d’hermétiques algorithmes mathématiques une application permettant de synthétiser les données (datas) couleurs des différents shows.

Sans programmation, juste par leurs observations et quelques sélections dans Adobe Photoshop, les futurs designers de Mod’Art ont reproduit l’exercice du quotidien américain, obtenant une vision rapide de la gamme couleur d’un défilé ainsi qu’une information sur les longueurs… Certains d’entre eux allant même à faire des propositions audacieuses (synthétiser les broderies, les imprimés…). Par souci d’immédiate lisibilité ces propositions furent écartées, le résultat devenant trop complexe à décoder.

L’initiative du New York Times peut être classée comme étant de la datavisualization (représentation graphique de données) adapté aux défilés de mode. En jetant un œil à quelques boards Pinterest on constate que c’est un domaine où la forme graphique compte beaucoup.

Ci-dessous, la datavisualisation réalisée lors de notre workshop à Mod’Art Paris.

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La rencontre entre la technologie et la mode, dans le cadre d’analyse des couleurs fonctionne parfaitement et permet ici de rendre explicite, de manière agréable et rapide des informations. Le résultat peut être apprécié autant à des fins créatives et stratégiques au sein d’un bureau de style, des fabricants, etc… qu’à des fins créatives et esthétiques.

Ci-dessous la datavisualisation des défilés DSquared et Yohji Yamamoto est empreinte d’une vibration et d’une musicalité insoupçonnée. On y lit une rythmique savamment orchestrée par la direction artistique du défilé. Chez DSquared, un défilé acidulé aux deux tiers et des filles très court vêtues. Chez Yamamoto les couleurs viennent s’intercaler entre les passages sombres.

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En quelques clics de souris nous pourrions apposer la gamme couleur synthétisée sur le mannequin à la manière des Frères Sternberg…

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De la datavisualisation à l’art cinétique…

… et y voir une robe Mondrian (Yves Saint Laurent, 1965, photo Peter Knapp) revisitée…

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ou « les sportifs » de Kasimir Malevich, 1930-1931

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ou encore une robe Poliakoff (Yves Saint Laurent, 1965, automne-hiver)

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voire les Compositions de Serge Poliakoff qui aurait subit la loi de la ligne verticale.

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Ou encore les expériences vibratoires de Piet Mondrian (Broadway Boogie Woogie, 1942-1943)

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et les œuvres cinétiques du peintre vénézuélien Jesus Rafael Soto (Polychromie avec tés, 1980)

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Mais peut-être faut-il remonter à l’année 2011 où Fashionary publiait une série de posters intitulé Fashionary 8-bit en référence au graphisme rétro des années 80.

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Stéphane Mahéas n’aime pas les écoles de mode…

Un article intéressant, quoi que pas tout à fait juste, notemment sur le passage sur les écoles de stylisme ; les écoles comme Esmod, Mod’Art International ou autres n’ont pas pour vocation première de former des grands couturiers.
Deuxièmement, ces écoles ne forment pas que des futurs chômeurs, car elles alimentent égalemment l’énorme marché du prêt-à-porter, des centrales d’achats, des bureaux de style, des créateurs etc. en formant aussi bien des stylistes que des modélistes. Vanina Vesperini, Catherine Malandrino ou encore le grand couturier Franck Sorbier sont sortis d’Esmod, comme quoi…

En consultant le parcours de Stéphane Mahéas, je note quand même une chose, il a commencé sa formation haute couture par un BEP et un CAP « industrie de l’habillement », un cursus certes moins valorisé, moins « hype » et moins glamour que celui des écoles de mode, car non créatif, où l’on apprend les techniques nécessaires à cet artisanat.

Cursus à ne pas occulter, ni dénigrer, sans doute, pour ceux et celles qui veulent se retrouver dans un atelier de haute couture ou devenir grand couturier.