Semaine de la mode | Devastée

Devastée, fondée en 2004 par Ophélie Klère et François Alary, est issue d’un projet artistique. Ses créateurs, qui dans leur début abordaient le vêtement comme une oeuvre (réalisé en pièce unique), font parti de ces designers qui oscillent entre art et mode.

Aujourd’hui, c’est volontairement « exilés » en province que travaille le duo. Comme l’explique Francois Alary, c’est une fois « lavé » de toutes influences que l’on peut se retrouver. Une démarche créative différente, un travail d’introspection en total harmonie avec la marque. Un univers contrasté, second degré, à la fois funéraire et ludique, où le vêtement, noir et blanc, binaire, est traité en ombre et clarté.

Cette saison, la mise en scène donnait le ton. Une sorte de cimetière futuriste, monochrome, occupait le centre d’une vaste pièce.

Des silhouettes aux allures de jeunes filles, semblaient traverser le tableau « Pier and ocean » de Mondrian (ici). Portant jupes culottes, cols ronds, coupes 60’s « innocentes » couvertes de motifs revisitant les codes gothiques. Motifs amenés de manière ludique, détournés, qui portés en all-over ou accumulés, deviennent une unité, jouant avec l’oeil à la manière de l’Op Art.

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Ci dessous Pier and Ocean, 1915 – Piet Mondrian

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Des créateurs qui se concentrent sur leur univers, créant une forte identité graphique et visuelle. Ils n’oublient pas que la mode est aussi un moyen de communication et d’expression. Ils n’hésitent donc pas à faire passer des messages, on retiendra le « je ne décroche pas ».devastee-6

 

Des frères Sternberg à  l’art cinétique en passant par la datavisualisation…

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Above: Hans Behrendt’s « Six Girls Seeking Shelter », 1927

Découverte par hasard, l’affiche (ci-dessus) du film « Six girls seeking shelter » des frères Sternberg (Vladimir -1899-1982- et Georgy -1900-1933-), graphistes et artistes du mouvement constructiviste m’a rappelé cette initiative du New York Times qui a eut lieu lors de la dernière fashion week et la manière dont je l’avais réinterprété avec mes élèves.

Des frères Sternberg à la datavisualization

Les journalistes du New York Times ont fait appel des programmeurs. Ces poètes du code informatique ont développé, via d’hermétiques algorithmes mathématiques une application permettant de synthétiser les données (datas) couleurs des différents shows.

Sans programmation, juste par leurs observations et quelques sélections dans Adobe Photoshop, les futurs designers de Mod’Art ont reproduit l’exercice du quotidien américain, obtenant une vision rapide de la gamme couleur d’un défilé ainsi qu’une information sur les longueurs… Certains d’entre eux allant même à faire des propositions audacieuses (synthétiser les broderies, les imprimés…). Par souci d’immédiate lisibilité ces propositions furent écartées, le résultat devenant trop complexe à décoder.

L’initiative du New York Times peut être classée comme étant de la datavisualization (représentation graphique de données) adapté aux défilés de mode. En jetant un œil à quelques boards Pinterest on constate que c’est un domaine où la forme graphique compte beaucoup.

Ci-dessous, la datavisualisation réalisée lors de notre workshop à Mod’Art Paris.

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La rencontre entre la technologie et la mode, dans le cadre d’analyse des couleurs fonctionne parfaitement et permet ici de rendre explicite, de manière agréable et rapide des informations. Le résultat peut être apprécié autant à des fins créatives et stratégiques au sein d’un bureau de style, des fabricants, etc… qu’à des fins créatives et esthétiques.

Ci-dessous la datavisualisation des défilés DSquared et Yohji Yamamoto est empreinte d’une vibration et d’une musicalité insoupçonnée. On y lit une rythmique savamment orchestrée par la direction artistique du défilé. Chez DSquared, un défilé acidulé aux deux tiers et des filles très court vêtues. Chez Yamamoto les couleurs viennent s’intercaler entre les passages sombres.

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En quelques clics de souris nous pourrions apposer la gamme couleur synthétisée sur le mannequin à la manière des Frères Sternberg…

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De la datavisualisation à l’art cinétique…

… et y voir une robe Mondrian (Yves Saint Laurent, 1965, photo Peter Knapp) revisitée…

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ou « les sportifs » de Kasimir Malevich, 1930-1931

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ou encore une robe Poliakoff (Yves Saint Laurent, 1965, automne-hiver)

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voire les Compositions de Serge Poliakoff qui aurait subit la loi de la ligne verticale.

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Ou encore les expériences vibratoires de Piet Mondrian (Broadway Boogie Woogie, 1942-1943)

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et les œuvres cinétiques du peintre vénézuélien Jesus Rafael Soto (Polychromie avec tés, 1980)

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Mais peut-être faut-il remonter à l’année 2011 où Fashionary publiait une série de posters intitulé Fashionary 8-bit en référence au graphisme rétro des années 80.

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Bouchra Jarrar | La sensualité de la quadrature du cercle…

Rendre sensuelles des lignes géométriques, des droites, des angles aigus et des obliques. Comme la quadrature du cercle, mission impossible ?

Bouchra Jarrar depuis sa Collection n°1 y réussi à merveille. Ses lignes viennent s’appliquer gracieusement, suggérer la courbe d’une hanche ou d’un sein. La ligne graphique soulignée par un biais écru dans le modèle ci-dessus, suit naturellement les formes du modèle et ne contraint nullement la fluidité de la matière.

Revue de détails

Haute Couture ? Non. On parle aujourd’hui de prêt-à-porter de luxe ou de sur-mesure, du concret, plus adapté à son époque.

Donne moi un V…

Les coupes et les fentes laissent apercevoir la taille ou une épaule. Pas très Va Va Voum ces Vestales, mais elle vous donnent tout de même le Vertige. Dans un bizarre love triangle(1), portant collier-plastron Volontaire, elles offrent leur nombril au sommet d’une encolure V plongeant elle même vers d’autre triangle Voluptueux

Dans les silhouettes ci-dessus on devine à la fois Piet Mondrian, Chanel (pour la bichromie noir/blanc) voire Jean-Louis Scherrer pour la géométrie (où la créatrice à fait un passage éclair).


Encolure V chez Jean-Louis Scherrer


Piet Mondrian, Composition with grid 2, 1915

(1) A réécouter Bizarre love triangle de New Order ici