Étiquette : prêt-à-porter
There is a riot going on at Lanvin
Je pensais récemment au concept de la beauté, à la définition d’un chef-d’œuvre et toutes ces choses. Posé à mes côtés un magazine de mode annonçait un « spécial beauté » avec une couverture des plus morbide… Qu’est ce qui fait que l’on trouve une robe, une paire de chaussures, un manteau ou tout autre vêtement beau ? Je ne parle pas du vêtement porté, mais de celui que l’on voit en vitrine, sur un portant, en photo dans une revue, un vêtement qui exhale la beauté par sa seule présence…
Ci-dessous nulle explication, juste une expérience, du vécu.
Ce jour-là au sortir d’un rendez-vous je m’engouffrais dans la boutique sise au 213, rue Saint honoré, pour flâner. Arrivé au premier étage du concept store parisien, je tombais en arrêt devant une robe que j’attribuais à quelque créateur japonnais. Gris anthracite, toute en bandelettes sculptant la silhouette, sa conception, sa modernité me confortait dans mon choix. Quelques pas et je vis une veste appartenant à la même collection, bandelettes enroulant le corps, pas de boutons, une ligne simple, un zip discret, à côté la jupe complète le tailleur, toute en rubans modelant la taille, les hanches et les cuisses, pas de détails inutiles, une construction complexe qui ne laisse voir que simplicité, élégance et suscite le désir : beau.
Automne-hiver 2009 (c) vogue.fr

Il y a quelques années, alors que j’achetais ma place dans un cinéma d’art et d’essais du quartier Beaubourg je me retrouvais nez à nez avec ce drôle de monsieur qu’est Alber Elbaz. Il venait juste de quitter la maison Saint Laurent où son passage n’avait apparemment pas fait l’unanimité (puisque remplacé par un designer radicalement différent en la personne de Tom Ford). Il semblait si fragile dans ce petit cinéma de quartier, me dis-je, des tonnes de talents et de sensibilité en sourdine, comme sous cloche, attendant le moment propice…
Je me décidais enfin à regarder l’étiquette : Lanvin bien sûr ! Quelques jours avant j’avais acheté le livre Lanvin de Dean L. Merceron.
Il y a maintenant chez Alber Elbaz de l’assurance, quelque chose de paisible, de la maîtrise. Avec le départ de M. Saint Laurent, Alber Elbaz serait ainsi le garant d’un prêt-à-porter de luxe sans spectacle inutile, sans heurts et sans concept touffu et confus, juste la recherche de la « beauté », ce que certains appellent le luxe à la française.
On dit souvent de Karl Lagerfeld qu’il est la réincarnation au masculin de Mademoiselle Chanel, même goût de l’exposition médiatique et des mondanités. On pourrait en dire de même pour Alber Elbaz et Jeanne Lanvin qui ont en commun le goût de la discrétion et du mystère, avec pour résultante, la même ignorance de la part du grand public, alors que le talent est identique.
On pourrait en rester là, mais la marque se projette et noue des partenariats fort intéressants qui l’éloignent par la même de tout risque de mémérisation, tentant lorsque l’on crée des nouveaux classiques dans l’ombre.
Tout d’abord un positionnement plus que réussi sur le marché des sneakers de luxe en proposant des chaussures « so dope »(1) dessinées par Lucas Ossendrijver, designer de l’Homme Lanvin ou encore lancement d’une ligne de jean (très attendue) en collaboration avec la marque suédoise « so hype » Acne: Lanvin (love) Acne. La dernière campagne de communication est, à mon sens, très bien aussi, abandonnant les symétries ou les déformations du corps des campagnes précédentes.
Sneakers « à tomber », (c) photo Mathieu Lebreton

Lanvin (love) Acne, collection « jean » pour homme et femme

Printemps-été 2009, prêt-à-porte de luxe narcissique sur un canapé lacéré… Attention rien est acquis semble signifier la photo.

Pour finir, deux visuels montrant que le travail de bandelettes chez Lanvin est depuis longtemps inscrit dans l’histoire de la maison.
Brimborion (1923), Jeanne Lanvin lacère et réactualise les manches d’un kimono

Brimborion (que l’on pourrait traduire par robe de « peu de rien ») revue pour l’automne-hiver 2005, sensualité a fleur de peau par Alber Elbaz

Actuellement chez Lanvin tout est Beau.
Et si vous avez manqué les photos du Préfall 2009, çà continue ici
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(1) Kanye West, ici
I had a dream… (Christian Dior, version beta)
Les marques font de plus en plus appels à l’avis des internautes, principalement pour affiner leur stratégie de communication et de positionnement sur le web.
Mais d’autres marques comme Radiohead ou Moby ont demandé à leur fans(1) de participer à la création de leur œuvre; en l’occurrence il s’agissait dans les deux cas de créer un videoclip.
La firme Procter et Gamble(2) propose aux internautes de résoudre en concurrence avec son propre centre de R&D certains problèmes qui se posent à elle. Voici des marques, des entreprises et des artistes, prêts à collaborer avec cette intelligence collective formée aussi bien d’amateurs experts que de simples utilisateurs du web.
le site aniboom-radiohead

L’inspiration vient de la rue…
Après des décennies pendant lesquelles les maisons de couture ont décidé de la longueur des jupes. La dynamique s’est inversée avec les années 60. La rue comme espace public, les nouveaux comportements, inspirent les créateurs et génèrent un foisonnement créatif inconnu jusqu’alors.
Cependant, certains courants majeurs comme le streetwear déboulant fin 80-début des années 90, n’ont été que tardivement intégrés dans les collections (circa 1995), soit un temps de latence relativement long.
Si l’on considère le web et les réseaux sociaux comme le nouvel espace public numérique(3) c’est là, sans doute, qu’il faudra aller chercher, autant pour nourrir son inspiration que pour y résoudre des problématiques plus complexes que le métrage de tissu.
Y-a-t-il pour autant un fossé qui se creuse entre la rue et les podiums ?
La mode en « béta » permanente
Qu’est-ce qu’une marque de prêt-à-porter ? C’est une entreprise qui tous les six mois (certaines tous les quinze jours), par l’intermédiaire de son créateur et de son bureau de style propose des nouveaux produits, les améliore, les adapte pour conquérir et développer sa clientèle.
Considérons qu’une marque de prêt-à-porter est en béta-permanente, en renouvellement continu, comme le sont de nombreux services du web 2.0 (GMail et consorts) !
Peut-on faire un parallèle entre la dynamique des services web innovants et le Prêt-à-porter ?
L’expérience du participatif?
Alors rêvons que les internautes fans de mode pourraient se voir proposer par une marque: d’envoyer croquis, gammes de coloris et idées matières pour un vêtement ou un accessoire. Après sélection, celui-ci pourrait être réalisé soit industriellement soit en édition limitée par les ateliers avec bien sûr une communication adaptée à l’évènement. La mise en place d’une véritable plate-forme d’échange d’idées (sharing).
Dans la mesure où aujourd’hui, la création se doit d’être soutenue par l’industrie pour exister, cela devrait intéresser les marques de Prêt-à-porter, les bureaux de style, tout autant que les créateurs en herbe.
Bien entendu, cela relève d’un véritable défi du mode de pensée et de fonctionnement des structures. Cela implique l’acceptation d’une mise en concurrence nouvelle, moins ordonnée et moins prévisible.
Mais le meilleur moyen de connaître l’Autre n’est-il pas d’aller vers lui ?
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(1) Radiohead à lancé un concours via le site aniboom, Moby réalise une opération similaire ici
(2) À lire dans Comment le web change le monde, l’alchimie des multitudes, de Francis Pisani et Dominique Piotet
(3) Danah Boyd, anthropologue et PhD student à l’université de Berkeley, lire ses publications ici et sont blog là. N’hésitez pas à cliquer sur le Best of de son blog afin d’en savoir plus sur le web, les réseaux sociaux, la mobilité etc.
Le point G
Quand John Galliano sort il y a quelques mois une seconde ligne, il la baptise simplement galliano…
En faisant abstraction du prénom, la différence entre les logos des deux marques éponymes se situe au niveau du « G ». Le nom en lettres majuscules pour la marque la plus ancienne, en lettres minuscules pour la seconde ligne : ainsi une hiérarchie s’établit par le signe et se traduit dans le vêtement.
Haut de casse (majuscule) pour un nom propre, un mot unique, ayant pour « équivalent mode » le prêt-à-porter de luxe;
Bas de casse (minuscule) pour les noms communs, un mot courant, ayant pour « équivalent mode », le prêt-à-porter et la mode junior (dans un style rock chic, avec une base de jean importante), plus abordable, mais aussi plus moderne et dynamique.
Une différence subtile de hiérarchie, aussi bien en typographie qu’en mode.
Voici une citation de Michel Wlassikoff, auteur de l’Histoire du graphisme en France, pour bien prendre conscience de l’importance du choix de la typographie et de sa signification en terme de communication.














