Comment continuer son activité de mode en temps de guerre ? Un article issu du Figaro.fr sur le couturier libanais Élie Saab.
Élie Saab, qui a réussi à quitter le Liban, prépare ses prochaines collections depuis Paris. Au siège de son entreprise, les automatismes de la guerre sont revenus.
FOURREAUX ornés de pierreries scintillantes, robe de mariée avec un décolleté souligné de feuilles d’organza…
Le défilé haute couture d’Élie Saab, le 7 juillet dernier à Paris, a été un succès. De retour à Beyrouth, croulant sous les commandes de riches Européennes, de princesses du Moyen-Orient comme de stars de Hollywood, les 125 salariés s’étaient aussitôt mis au travail.
Six jours plus tard, les premières bombes tombaient sur la capitale. « Tout a basculé en vingt-quatre heures, s’étonne encore Nadim Chammas, directeur général du groupe Élie Saab. Cela dit, personne n’a paniqué. Ce n’est pas la première fois que le Liban est frappé. Ceux qui habitent le plus près du siège en centre-ville sont venus vérifier que personne n’avait été touché, parer à l’essentiel du travail et toute l’équipe est rentrée rejoindre ses proches vers 14 heures. Notre chef comptable a même tenu à finir notre déclaration fiscale et à la déposer au ministère des Finances… »
Les jours suivants, le siège social, installé au coeur de Beyrouth, a fermé, le temps de monter une cellule de crise. « Comme nous avons tous vécu la guerre entre 1975 et 1990, y compris les jeunes cadres, les automatismes sont revenus », raconte Nadim Chammas, HEC de 45 ans. Localiser les collaborateurs, s’assurer qu’eux et leur famille sont sains et saufs, vérifier les générateurs électriques, s’approvisionner en mazout, se procurer les produits de première nécessité…
Communiquer par SMS« Seule l’utilisation des téléphones portables et donc des SMS et des mails est une consolation, poursuit-il. Lors de la précédente guerre, nous avions eu de gros problèmes de communication ; il fallait patienter de longues heures au bout du fil ou se déplacer dans des centrales téléphoniques saturées de monde. »
Huit jours après les premiers obus, l’entreprise s’est organisée. À Beyrouth, lorsque les risques ne sont pas trop importants, une équipe tournante de 30 salariés vient au bureau. Dans l’atelier, les couturières finissent la robe d’une cliente grecque qui doit être livrée d’ici à trois semaines.
Comment sera-t-elle transportée si le blocus se poursuit ? « Nous sortirons la robe du Liban d’une manière ou d’une autre », promet Nadim Chammas, sans en dire plus. N’ayant pas pu repartir vers le Liban, le directeur général du groupe Élie Saab gère provisoirement le groupe depuis Paris. Parmi les projets en cours : le développement du prêt-à-porter, l’ouverture de nouvelles boutiques dont celle des Champs-Élysées prévue pour début 2007.
À ses côtés, assis au milieu de robes plus féeriques les unes que les autres, Élie Saab prépare sa collection de prêt-à-porter qui défilera à Paris en octobre. La production déjà répartie entre la France et l’Italie ne sera pas affectée. « Nous vivons au jour le jour mais je ne peux pas imaginer que cette situation perdure », soupire le célèbre couturier qui a débuté sa carrière en 1982 sous les bombes des raids israéliens.
