Vu | Informer et séduire

VU (1928-1940) serait comme le Twin Peaks des magazines, il y a eu un avant et un après…

Certaines publications actuelles ne seraient pas ce qu’elles sont si le magazine VU n’avait pas existé (ainsi que Life ou le Berliner Illustrirte Zeitung). VU fut un véritable laboratoire photographique et révolutionnaire dans sa manière de montrer l’information. Moderne, avant d’être lancé le magazine fut annoncé au cinéma en complément des actualités. Privilégiant l’image et un travail sur le texte au service de l’image et inversement, le magazine créé par Lucien Vogel reste une référence, son logo dessiné par Cassandre (qui créera plus tard le logo d’Yves Saint Laurent) un modèle du genre.

VU illustre la vie trépidante de l’époque qui « empêche de lire », « il faut voir, nous sommes au siècle de l’image. » ces déclarations sont l’articulation de la publication. « VU apporte une formule neuve: le reportage illustré d’informations mondiales ». A l’instar de notre époque où nous sommes via FaceBook, Pinterest, Flickr, Tumblr ou encore YouTube abreuvés d’images et de vidéos. La période de parution du magazine fut une période d’accélération informationnelle que seule la photographie pouvait rendre compte.

Feuilleter les pages de VU, c’est plonger dans cet entre-deux guerres riche en bouleversements politiques, sociétaux et techniques (prééminence de la photographie sur l’illustration, nouveaux procédés d’impression…). C’est également découvrir les premiers pas de photographes indépendants, jeunes artistes au devenir fameux comme Robert Capa, Man Ray, Edward Steichen, Germaine Krull, André Kertész ou encore Henri-Cartier Bresson.

C’est grâce à ce type de publications que les professions de journaliste, celui qui réalise un travail d’investigation ou de directeur artistique, celui qui sollicite les photographes, crée des séquences visuelles et développe une ligne éditoriale ont pris leur sens et leur essor.

Magazine engagé sur le plan de la mise en page, la rédaction de VU contrôle également la sélection photographique et complète le récit visuel. Engagé politiquement, dénonçant très tôt le franquisme ou les dangers du régime fasciste allemand, il reste un exemple dans notre période de « frictions » où les publications confondent souvent communication séductrice et information. Ou pour des raisons de sécurité et de frilosité l’engagement éditorial et esthétique est réduit au strict minimum…

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Ci-dessus « Les titres se libèrent de l’horizontalité des lignes »

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Visages cadrés, serrés en pleine page, logo typographique en coin, certaines couvertures d’i-D peuvent évoquer celles de VU…

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« Citations tirées de « La fabrique de l’information visuelle » ed. Textuel

PFW | Les « men at work » de Kris Van Assche

Une vidéo qui résume les inspirations du moment de Kris Van Assche. Le thème des hommes au travail qu’il dit poursuivre depuis douze défilés est mis en scène ici par des jeunes hommes défilant sur un rythme mécanique. Les tenues monochromes ont des volumes confortables, proposant une certaine aisance toute nécessaire au worker. Les pantalons sont généralement portés taille basse, agrémentés par des poches plaquées au côté. On voit aussi ce qui peut s’apparenter à des tabliers d’artisans (cf. au début de la vidéo).

Les vestes quand elles ne sont pas portées ouvertes et fluides, sont ceinturées à double tour à la taille afin d’être bien maintenues pendant l’effort (voir la très belle veste à 1:07 sur la vidéo). Les manches des vestes et des chemises se portent remontées (voir sur KVA ici), comme un travailleur de force.

Le men at work, qu’il soit peintre (en bâtiment, artiste ?), garagiste ou autre porte des débardeurs à large encolure en fine maille et des chemises légèrement transparentes, encore de la légèreté et de la fluidité, comme dans la majorité des présentations masculines de cette saison.

On peut penser au photographe portraitiste allemand August Sander.

Ci-dessous, August Sander, « Gypsy » (circa 1930). La même fluidité dans ce costume des années 30, que dans les tenues de Kriss Van Assche cette saison.

August Sander, « Helene Abelene » (circa 1926). Plus de 80 ans d’insolente modernité. Tout est génial dans cette photo, la tenue, la pose, la femme.

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Sur le thème du travail, August Sander, « le mécanicien » au vêtement taché 

À mettre en parallèle également, le travail d’Irving Penn commencé il y a plus de 50 ans sur les petits métiers et qui est actuellement exposé à Paris, à la Fondation Henri Cartier Bresson.

Irving Penn, les garçons bouchers
Les aléas du métier… les taches sur les vêtements que l’on retrouve à la fin du défilé de Kris Van Assche.