Fashion is activism | Andrea Crews

Deux événements s’enchaînent dans des lieux allant d’un extreme à l’autre. 18:30, Paris – Le méga show de Vivienne Westwood prend place au Pavillon Concorde. 20:00 le show, plus confidentiel, d’Andrea Crews se tient au Théâtre Trianon.

Vivienne Westwood fut subversive. Au début des années soixante-dix elle à voulu révolutionner la mode avec son mari Malcom Mc Laren. Habillant punks et rockers, qu’elle côtoie alors, elle était loin d’être le créateur établi, respecté et adulé qu’elle est aujourd’hui. En 1982 elle lance sa collection « Pirate » qui sera l’amorce de sa reconnaissance.

Le show d’Andréa Crews, le studio de création de Maroussia Rebecq, débute avec trois silhouettes rouge-sang défilant lentement, mannequins sans enthousiasme aux larmes couleur d’hémoglobine, un défilé de morts-vivants ou la vision d’Andrea Crews sur les shows traditionnels. Quelques minutes et la scène est soudainement prise d’assault par des « black-mobs » réclamant de l’ACTION (vidéo ci-dessous)…

Happening, théâtre ou performance, la prestation scénique est primordiale chez Andrea Crews ce qui n’entrave en rien ses propositions vestimentaires. Chaque tenues-costumes oscille entre folie et réalité.

A trente ans d’écart de Vivienne, la reine des punks, Andréa Crews met en scène les « morts-vivants de la mode », la musique n’est plus le punk-rock, mais sa fille, electro-punk lo-fi. A une génération de distance, l’envie de révolution, de revendication, le DIY cher aux rebelles de la fin des années soixante-dix et l’activisme sont toujours présents, l’envie d’une autre mode.

Des vêtements ou accessoires essentiellement en grosse maille confortable et chaleureuse (bonnet, cardigan, chauffe-épaule, caleçon, écharpe) mais aussi des tee-shirts, blousons, des petites robes, etc. C’est tout un vestiaire qui est à disposition pour qui fait l’effort de s’y arrêter quelques instants.

De l’utopie à la réalité ?

Le show de Vivienne Westwood, qui se déroulait deux heures avant, préfigurait, peut-être, ce qu’il adviendra de Maroussia Rebecq dans 30 ans (c’est tout le bien qu’on lui souhaite). Contre l’ennui et les conformismes, pour la dérision et l’expérimentation où le vêtement est un médium, vecteur d’engagement mais non déconnecté du réel.

Ylva, diva chic et choc

L’autre soir en rentrant au Baron…

Ylva Falk est danseuse de hip-hop et de voguing (voir aussi ici), elle est également chorégraphe, elle a notamment travaillé sur le dernier défilé de Quentin Véron. Habillée ce soir-là par Jean-Paul Gaultier des pieds à la tête elle était l’image du nouveau parfum maison: Gaultier Madame.

Elle porte un mini-perfecto fluide, strassé et clouté (très glam-punk). Son visage, au maquillage coloré, orné d’un grand sourire vous captive et puis… il y a cette houppe, cette coiffure, que dis-je cette coiffure? Cette excroissance capillaire qui rendrait jaloux le plus célèbre des petits reporters belge!

Ylva vous conseille d’associer votre vernis à ongles à … vos sourcils.

Dans ce décor fait de miroirs et de graffitis rose bonbon, elle n’était pas sans me rappeler quelques couvertures d’I-D magazine des années 90, voir une toute récente avec Agyness Deyn.

I-D, avril 1984

I-D, mai 2009

 

PFW | Venus in furs, Quentin Véron

Quentin Véron, un des trois new kids (avec Anthony Vaccarello et Nicolas Andreas Tarali) de cette fashion week.

Croisé quelques mois auparavant lors de la célébration des dix ans de la petite robe noire de Didier Ludot, j’avais alors, été intrigué par son look tout droit sorti d’un roman de Charles Dickens et son choix de travailler la fourrure, « afin de la démystifier disait-il ».

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La fourrure change de statut, elle peut devenir ludique, elle fait fi de son côté rombière, elle est libre et sans complexes. La fourrure prouve qu’elle peut être à la mode .

Entraîné par la fougue de sa jeunesse, ce tout jeune créateur n’hésite pas à changer de façon radicale le cadre de son défilé. Pour la Fashion Week 2009, son show prenait place dans un salon parisien avec pianiste jouant quelques Gymnopédies gnossiennes d’Erik Satie. Pour cette saison le show prend place dans la culée du Pont Alexandre III, un tout petit espace où l’on circule parmi les hauts-reliefs et quelques chaises disséminées deci-delà, le tout sous des musiques tribales…

On à l’impression de faire partie d’une société secrète et d’être plongé quelques siècles en arrière. Nous sommes à La cour des Miracles vue par Quentin Véron.

Derrière le rideau des silhouettes sorties tout droit d’un film de Tim Burton entament une chorégraphie païenne imaginée par Ylva Falk et dont le sound design est assuré par Melissa Mars. C’est à une véritable représentation théatrale auquel le créateur nous convie, un spectacle de rue où les acteurs ne sont pas habillés mais en costume de scène.

Onstage: pièce en trois actes

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Godillots ornés de plumes et d’os, gris-gris et microrobe sous un manteau aux manches trois-quarts en renard or.

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Est-ce le dieu Pan ?

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La danseuse (thème récurrent chez Quentin Véron) en robe drapée sous une petite cape en racoon et chèvre au long poil.

Backstage: beautiful freaks

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Ré-interprétée la fourrure conserve son caractère sulfureux sur la chanteuse à la voix éthérée Melissa Mars.

Mis à part le savoir technique de l’un et de l’autre, y-a-t-il chez lui l’excentricité baroque des débuts d’un John Galliano ?

Outre son savoir-faire dans l’art de la fourrure, Quentin Véron est un intéressant créateur d’univers et de silhouettes à cheval entre deux mondes: le costume de scène et la mode. Mais le danger chez les jeunes créateurs excentriques est de sombrer dans la caricature, de s’auto-parodier saison après saison, d’être l’artisan de sa propre obsolescence. Mais à seulement 23 ans gageons que Quentin Véron a amplement le temps de trouver la voie royale.

Le show